de Philippe Malone

le texte est édité chez Quartett, 2007

mise en scène Maria Cristina Mastrangeli

interprétation Richard Sammel

musique Gualtiero Dazzi

lumières Marie-Laure Hautran

An 2000. L’extrême droite a pris le pouvoir en Autriche. Au Théâtre de la Tempête, Les Rencontres à la Cartoucherie, comme en chaque début d’été à l’époque, essaient de dresser un état de lieu politique du monde. À l’initiative de Heinz Schwarzinger (Henri Christophe) un appel à auteur est lancé. Un comité de lecteurs se forme, Maria Cristina Mastrangeli en fait partie. La rencontre avec l’écriture de Philippe Malone est fulgurante.

Le monologue voit le jour dans le cadre de l’action contre la coalition gouvernementale en Autriche, au Théâtre de la Tempête (Paris 12ème) et est repris à La Guillotine de Montreuil-sous-Bois (93).

Le nouvel homme fort se prépare, narquois et fier, à son premier discours public.

Extrait du texte

Ainsi ce fut simple.
Depuis longtemps déjà nous nous fréquentons. Lorsque j’ai débuté je me souviens encore, mes mimiques fébriles mes quintes orageuses firent que l’on misait peu sur ma carrière politique. Trop prompt à réagir disait-on, pas assez réfléchi, mes saillies malhabiles souillaient de tâches laides la monochromie de tons que chérissait l’époque. Si bien qu’on médisait, si bien qu’on s’esclaffait, on m’offrait des estrades pour pouvoir s’extasier, mon dieu, j’étais si comique j’étais si fringant, ma présence alors distrayait les débats, excitait les cours lasses le soir dans les palais par des coups de gueule brusques sur les plateaux télés, permettait aux vieux loups de polir leurs sourires en clapotis de lippes sur des crocs élimés.

Mais c’était le début
Mais c’était aux aurores
Mais c’était mal connaître la fureur du torrent peu soucieux des eaux brunes que son courant charrie.

La stupeur et l’effroi firent le lit de mes charmes – Méduse au charme glabre – et je pus m’immiscer dans les lucarnes frêles, c’était la fonction, agacer la torpeur d’une époque essoufflée par mes apparitions fortes, par l’éclat mensonger d’une verve capiteuse. Mon nom d’abord chahuté s’est peu à peu assagit, il a parcouru le chemin des ondes jusqu’à onduler lui-même, il a consolé les tympans attentifs, mouillé la sécheresse des lèvres pour croître dans les conversations molles, tendrement, s’est juxtaposé aux fatigues muettes dans les salons cirés. Mes refrains envahirent les friches de leurs pensées, ils s’insinuèrent jusque dans les ventres jusque dans la foi, réchauffée pour un temps par mon souffle bruyant, assourdie pour tout dire par l’écho insistant que ma voix provoquait. Ce fut simple je dois l’avouer aujourd’hui (…).